Violences conjugales : prévenir les violences, protéger les victimes

 

En 2023, les services de sécurité ont enregistré 271 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire  en France. Les professionnels qui travaillent auprès des victimes interviennent également de plus en plus auprès des auteurs pour prévenir le passage à l’acte et la récidive.


« Le regard de sa petite fille a été le déclic. Alors qu’il s’apprêtait à lever la main sur sa conjointe, alors qu’il savait qu’il dépassait les limites mais se sentait incapable de maîtriser ses nerfs, il a croisé ce regard et a de lui-même composé le numéro vert du centre de prise en charge. Il est venu et a raconté : la perte d’emploi récente, une image de lui abîmée, un schéma familial avec des représentations patriarcales très fortes et l’impression de perdre le contrôle. Nous l’avons accueilli et lui avons proposé un accompagnement thérapeutique et social. » Marion Senes, responsable du centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) Nord Paca, se souvient de ce père de famille et de son appel à l’aide. Ces démarches volontaires se multiplient, même si les auteurs restent le plus souvent orientés dans les CPCA par décision judiciaire.


Une prise en charge globale et pluridisciplinaire

Créés à l’issue du Grenelle sur les violences conjugales , les CPCA déploient des dispositifs variés et complémentaires à l’échelle régionale ou interdépartementale. « Nous proposons un accompagnement social, psychologique et professionnel. Il existe autant de modèles que de centres », explique Charlotte Besseau, chargée de mission nationale sur les CPCA. Basée à Limoges, elle coordonne au quotidien la trentaine de centres répartis sur le territoire. Plus de 15 000 000 auteurs de violences conjugales ont ainsi été accompagnés en moyenne par an depuis la création des CPCA en 2020.


Permettre de penser autre chose que la violence

L’accompagnement commence en général par des stages de responsabilisation. Ils ont lieu dans des CPCA ou dans des structures comme les centres d’informations sur les droits des femmes et des familles  (CIDFF). Un premier entretien individuel avec l’auteur permet d’identifier ses besoins et de l’amener à prendre conscience des conséquences pour la victime et les enfants. Le travail continue ensuite dans des groupes de parole collectifs. Une première étape avant parfois un accompagnement thérapeutique où les groupes de discussion se poursuivent. « En PACA, nous organisons des groupes fermés, c’est-à-dire constitués des mêmes participants à chaque fois, réunis de 8 à 12 fois et des groupes ouverts où chaque séance aborde une thématique précise », explique Marion Senes. Dans un second module, les facteurs de risque de récidive comme le logement, l’emploi, les sujets administratifs, sont travaillés. « Une personne sans ressources et sans emploi va avoir tendance à retourner chez la victime. L’aider à se réinsérer, c’est aussi prévenir la récidive. ».


Gérer les émotions

Chaque histoire est différente et influence la manière de penser des auteurs. Au CIDFF du Calvados, Nathalie Perringerard, la directrice, témoigne : « Souvent réticents au départ, les participants finissent par basculer à mi-parcours : le dialogue s’installe, ils apprennent progressivement à mieux connaître leurs émotions. » Et aussi à mettre en place des stratégies pour éviter de recourir à nouveau à la violence. Comme cet homme qui reconnaît qu’il n’aurait jamais dû gifler sa compagne, mais qui martèle qu’elle l’avait poussé à bout. Grâce au groupe de responsabilisation, il est revenu vers elle en lui proposant de mettre en place un système de mot de passe : quand le ton monte, l’un des deux cite le mot choisi, signal que les choses sont en train de basculer. Ce mot de passe, qui n’a aucun lien avec le sujet de la dispute, sonne comme un déclencheur permettant de réduire la tension et, parvenant même, pour ce couple, à interrompre immédiatement l’escalade du conflit.


Toucher la société civile

Les professionnels essaient aussi de s’adresser à un public plus large. « Nous devons lutter contre des habitudes culturelles, des représentations familiales très ancrées chez les auteurs et les victimes, mais aussi dans la société civile », explique Charlotte Besseau. Au quotidien, les équipes font de la pédagogie auprès des publics accueillis et de leurs interlocuteurs (professionnels de la justice, de la santé, du social). Mais l’objectif est bien d’aller au-delà en se rendant dans les écoles, les entreprises, à la rencontre de tous les citoyens pour faire bouger les lignes des imaginaires collectifs. « Prendre en charge les auteurs n’est pas faire basculer de l’autre côté et abandonner les victimes. Au contraire, il s’agit d’installer en amont les conditions qui empêcheront le passage à l’acte ou la récidive. S’il n’y avait pas d’auteur, il n’y aurait pas de victime. »

Pour aller plus loin : 

  •  Le numéro vert 08 019 019 11 est la ligne d’écoute à destination des auteurs de violences conjugales, accessible du lundi au dimanche de 9h à19h.
  • Le 3919 est le numéro d’écoute, d’information et d’orientation à destination des femmes victimes de violence, de leur entourage, des professionnels. Anonyme et gratuit, il est accessible 24h/24, 7j/7.
  • www.arretonslesviolences.gouv.fr : ce site du gouvernement comprend plusieurs entrées : victime, témoin, professionnel.
  • www.fnacav.fr : la fédération nationale des associations et des centres de prises en charge d’auteurs de violences regroupe des associations spécialisées.