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« Concilier le bien-être des enfants et celui des parents »

INTERVIEW. Doublement du congé paternité, dépistage de la dépression post-partum, réduction des inégalités dès la naissance… Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance, revient sur les nouvelles aides pour les jeunes enfants et leurs parents.

 

Les trois premières années de vie sont une période clé pour l’enfant et l’adulte qu’il deviendra. C’est le message au cœur du rapport des « 1 000 premiers jours » remis au gouvernement en septembre 2020. Comment soutenir les parents et favoriser le développement de l’enfant durant cette période déterminante ? Le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet, détaille les mesures pour mieux accompagner les familles, avant et après l’accouchement.
 

Vies de famille : Pourquoi les 1 000 premiers jours de vie sont-ils essentiels pour l’enfant ?

Adrien Taquet : C’est là où tout commence. Ces 1 000 premiers jours vont du quatrième mois de grossesse, jusqu’aux 2 ans de l’enfant. En réalité, on peut même dire que cela commence dès le projet parental et jusqu’à l’entrée à l’école. Attention, ce n’est pas là où tout se joue de façon irréversible, il ne faut pas culpabiliser ou inquiéter les parents ! Mais avec le développement des neurosciences, on sait que cette période a un impact sur la santé et le développement cognitif de l’enfant, et de l’adulte qu’il sera.

C’est aussi une période où les inégalités sociales se creusent. A 3 ans, un enfant de cadre maîtrise quatre fois plus de vocabulaire qu’un enfant d’ouvrier. Tout ce qui est de l’ordre de l’éveil et de l’apprentissage dans cette période de la vie est donc très important.


Et les parents, comment vivent-ils cette période ?

Les 1 000 premiers jours sont une période tout aussi importante pour les parents. Ce qui est innovant dans la démarche des 1 000 premiers jours, c’est de ne pas opposer le bien-être des enfants et celui des parents : on essaie d’avoir une approche qui englobe les deux.

Lorsqu’on va à la rencontre des parents, ils nous expliquent qu’ils se sentent assez seuls et peu accompagnés. Ils sont plutôt suivis avant la grossesse, et beaucoup moins après la naissance. Ils ont le sentiment qu’on s’occupe beaucoup de leur enfant et de sa santé, mais assez peu de leur propre bien-être. Ils sont aussi perdus dans la mesure où ils reçoivent énormément d’informations contradictoires. Plus de 50 % des Français nous disent que c’est dur d’être parent.
 

Pour les soutenir, vous voulez mettre en place un « parcours 1 000 jours ». De quoi s’agit-il concrètement ?

L’idée n’est pas de faire un « guide du bon parent », mais de faciliter la parentalité. Ce parcours va s’articuler autour de trois moments. D’abord, la systématisation de l’entretien prénatal précoce au quatrième mois de grossesse : un temps d’échange et d’écoute avec un médecin ou une sage-femme pour faire le point sur le projet de naissance et l’après-accouchement. Aujourd’hui, cet entretien est pris en charge par la Sécurité sociale mais 30 % des femmes n’en bénéficient pas. Pourtant, c’est là que l’on peut évoquer des sujets liés non seulement à la grossesse mais aussi à la parentalité.

Nous allons également renforcer les effectifs dans certaines maternités prioritaires et les liens entre les maternités, les Pmi et les Caf pour éviter les ruptures de parcours en sortie de maternité.

Enfin, un sujet reste encore très tabou : la dépression post-partum. Elle peut arriver entre la 5e et la 12e semaine après l’accouchement et n’a rien à voir avec un « baby blues ». On considère que cela touche 15 à 20 % des femmes, mais le pourcentage est probablement encore plus élevé. Nous travaillons donc sur un entretien ou une visite postnatale pour en repérer les signes de façon précoce et les prendre en charge.
 

Autre sujet tabou : le burn-out parental. Cette année, notamment, a été très compliquée pour les parents…

La période a été particulière : on a demandé aux parents d’être à la fois parents, profs, copains, salariés… Plus que jamais, on a cumulé beaucoup de fonctions. Mais indépendamment de ce contexte, il y a un vrai sujet sur l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.

Nous avons fait un premier pas avec le doublement du congé paternité qui entre en vigueur le 1er juillet 2021 : il passe de 14 à 28 jours, dont sept obligatoires. Il y a par ailleurs un vrai rôle des entreprises à jouer sur cette articulation vie professionnelle/vie personnelle. Il faut arrêter de penser que les parents cessent d’être parents à 9 h du matin quand ils poussent la porte de l’entreprise ! Nous avons demandé un rapport à ce sujet qui sera remis d’ici cet été.

Dans l’immédiat, il existe aussi des dispositifs d’accompagnement à la parentalité, avec les Caf qui montent des ateliers autour de ces sujets, ou des associations comme les Pâtes au beurre.  Par ailleurs, nous sommes en train de développer un numéro unique qui sera opérationnel à la rentrée, une sorte « d’Allo parents en crise ». L‘idée est d’avoir un point d’entrée pour orienter les parents vers les bons professionnels en fonction des problématiques.
 

Vous parliez du congé paternité qui passe à 28 jours, le 1er juillet. Pourquoi ne pas avoir suivi le rapport des 1 000 premiers jours, qui préconise neuf semaines de congé pour les pères ?

Potentiellement, nous allons aller plus loin que ce rapport. Nous réfléchissons à une refonte de tous les congés familiaux : congé paternité et maternité, , congé de mariage, congé pour enfant malade… Tous ces congés sont des droits importants qui ont été créés par strates successives. Maintenant qu’on est convaincu de l’importance du lien entre les parents et les enfants, il faut avoir une approche globale. Demain, on aura peut-être des congés bien plus conséquents à se répartir entre les deux parents, au lieu de les prendre les uns après les autres.

Crédit photo Lewis Joly/Sipa Press/Dicom
 

Pour aller plus loin

« Le rapport des 1 000 premiers jours mené par la commission Boris Cyrulnik » sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé
 
Le dossier « Après l’accouchement : le retour à la maison » sur le site de l’Assurance maladie

Notre dossier « Congé parental : du temps pour s’occuper de son enfant »
 
Nos articles
 
« Dépression post-partum : plus qu’un baby blues »
 
« Etre père au  : un choix de vie »

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