Le numérique vraiment accessible aux personnes handicapées ?
Le numérique vraiment accessible aux personnes handicapées ?
S’il facilite la vie, le numérique est encore loin d’être accessible à tous, en particulier aux personnes handicapées. Le point avec Gaëla Leclercq, Directrice commerciale et co-gérante d’Access42, cabinet de conseil expert en accessibilité numérique.
Qu’est-ce que l’accessibilité numérique ?
Gaëla Leclercq : C’est la possibilité pour les personnes handicapées d’accéder au numérique, et donc de leur de garantir un droit fondamental : l’accès à l’information. Concrètement, l’accessibilité numérique consiste à respecter certaines règles lors de la conception et du développement d’un site web, d’une application mobile ou encore d’un logiciel. Le respect de ces règles va permettre aux personnes handicapées de percevoir, comprendre, naviguer et interagir avec le système, notamment au moyen de technologies d’assistance. En France, ces règles sont rassemblées dans le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) pour le web. Chez Access42, nous travaillons aussi avec le Référentiel d’accessibilité des applications mobiles (RAAM) publié par le Grand-Duché de Luxembourg, et dont il n’existe pas encore d’équivalent en France.
Où en est la France dans ce domaine ?
G.L. : Tous les sites publics devraient être accessibles, mais c’est loin d’être le cas. En octobre 2024, seulement 3 % des démarches administratives les plus utilisées étaient conformes aux normes d’accessibilité, soit 7 démarches sur 248(1). Le constat est le même pour les entreprises privées : sur 4 249 sites internet contrôlés par la Fédération des Aveugles de France, seuls 21 d’entre eux déclarent être en conformité totale avec le RGAA, soit 0,49 %(2).
Dans les entreprises et les institutions, y a-t-il eu des avancées récentes en matière d’accessibilité numérique ?
G.L. : Oui. On peut citer par exemple la mutualisation des investissements avec les « usines à sites ». Une usine à site, c’est une plateforme partagée de publication de contenus, qui permet par exemple à des communes de publier des sites web totalement conformes au RGAA à faible coût. De leur côté, les entreprises prennent davantage conscience de l’importance de former leurs équipes à l’accessibilité numérique. En 2023, nous avons formé 900 personnes exerçant dans des métiers très différents, que ce soit des métiers techniques, le design, la communication ou encore la production de contenu éditorial. Et, depuis la loi pour une République numérique (loi LRN), les administrations doivent rendre accessibles leurs sites Internet et mobiles au moyen de plans d’actions qui s’étalent sur 3 ans.
Quelles initiatives pourraient contribuer à améliorer les choses ?
G.L. : Le domaine de l’accessibilité numérique est en pleine évolution et le cadre réglementaire se renforce. Depuis 2023, l’Arcom est chargée de veiller au respect des obligations légales d’accessibilité numérique dans les entités publiques, mais aussi les entreprises privées réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Nous sommes cependant en attente de décrets pour encadrer de nouvelles obligations issues de la directive européenne dite « accessibilité des biens et services » qui doit entrer en application en juin 2025. Ensuite, pour une bonne prise en compte de l’accessibilité, il faut absolument que les changements se mettent en place au niveau de chaque organisation. Plusieurs actions sont indispensables : désigner une personne référente ou une équipe dédiée, allouer un budget et du temps à ce sujet, mais aussi planifier la démarche avec des indicateurs de suivi et des objectifs et former les équipes.
Chloé Dussère
(1) Source : Observatoire de la qualité des démarches en ligne de la DINUM
(2) Source : Observatoire du respect des obligations d’accessibilité numérique